La Commission de Sécurité des Consommateurs (C.S.C) a réalisé une étude sur les circonstances et l'environnement des cas de défenestration d'enfants.
EXTRAIT : ... II.2. L'environnement et les circonstances des défenestrations
La défenestration apparaît aujourd'hui comme un phénomène
essentiellement urbain. Aux Etats-Unis, la probabilité d'occurrence du
risque est quatre fois plus élevée en ville qu'à la campagne. Dans
l'état actuel des connaissances, les facteurs déterminants de cette
tendance sont nombreux, mais pas hiérarchisés. Le nombre des accidents
répertoriés peut en effet résulter de la gravité des lésions qu'elles
provoquent, en lien avec la concentration d'immeubles de grande hauteur
et d'une meilleure prise en charge par les services d'urgence ; du mode
de vie des enfants, qui sont gardés le plus souvent à l'intérieur des
habitations ; du niveau moyen d'entretien du parc de logements ou enfin
de la concentration de populations plus sensibles au risque. A Dallas,
les accidents se sont produits, pour 77 % d'entre eux en appartement,
et pour 10 % en maisons individuelles. En Ile-de-France, 52 % des
accidents se sont produits dans des habitations à loyer modéré, avec
une concentration au nord est de la région :

Les accidents sont saisonniers. A Dallas, 71 % des chutes
répertoriées avaient eu lieu au printemps et à l'automne. En
Ile-de-France, la sinistralité se développe du mois de mai au mois
d'octobre, en fonction des conditions climatiques, avec un pic aux mois
de juin et juillet lors des périodes d'ensoleillement consécutives à du
mauvais temps.
On distingue généralement deux types de chutes. Celles des enfants de
moins de six ans, le plus souvent depuis des fenêtres, et celles des
enfants plus âgés, liées à des comportements à risque plus ou moins
délibérés (jeux d'équilibre, imitations, défis, escapades, plus
rarement suicides(9) ) et qui se produiraient plus fréquemment depuis
des balcons, terrasses ou toits.
Les données recueillies au Royaume-Uni montrent que chez les plus
jeunes, la tentative d'escalade est à l'origine de plus de la moitié
des accidents (58 %), un quart relevant du jeu et 16 % de comportements
à risque :

A Dallas, une distinction a pu être opérée entre les accidents survenus
depuis des fenêtres (52 % des cas), et depuis des balcons munis de
garde-corps (45 % des cas) : les enfants basculent des fenêtres, ceci,
dans 76 % des cas, lorsque la hauteur de l'allège est inférieure à 61
cm. En revanche dans 65 % des cas, ils chutent à travers les
garde-corps et non en basculant par-dessus, dès lors que l'écartement
entre les barreaux est supérieur à 13 cm. En Ile-de-France on a
dénombré 85 % de chutes depuis des fenêtres et 13 % depuis des balcons,
sans plus de précisions sur la configuration des lieux.
En Ile-de-France, 83% des enfants accidentés étaient en présence d'un
adulte ou d'un aîné au moment de l'accident, mais seuls dans la pièce
au moment de la chute pour 64 % d'entre eux. 80 % des défenestrations
sont survenus entre 11H00 et 20H00 et plus spécifiquement aux horaires
des repas, en cohérence avec l'ensemble des accidents domestiques, qui
surviennent très souvent lorsque les adultes sont distraits de leur
surveillance par l'accomplissement des tâches ménagères.
Dans 75 % des cas, l'accident se produit par la fenêtre de la chambre
de l'enfant. En France 52 % des fenêtres étaient ouvertes au moment de
l'accident et au Royaume-Uni 86 %. Aucune des études ne précise la
présence ou non sur la fenêtre d'un dispositif en interdisant ou en
restreignant l'ouverture. En France, en l'absence de réglementation, on
peut supposer qu'il n'en n'existait pas et que, malgré leur jeune âge,
près de la moitié des enfants ont été en mesure de manœuvrer seuls la
fenêtre.
II.3. Le profil des victimes
Dans toutes les études, plus de 60 % des victimes ont moins de six ans
(âge moyen constaté de 5 ans et demi en Ile-de-France). Un quart des
accidents concerne la tranche des 10-16 ans, ce qui peut s'expliquer
par les comportements de prise de risque et 20 % celle des 6-9 ans,
sans doute plus sensible aux conseils de sécurité des parents. Comme
pour l'ensemble des accidents de la vie courante, les garçons sont deux
fois plus touchés que les filles, toutes tranches d'âges confondues :

Cette répartition s'explique à la fois par des données
anthropométriques, et par le degré de maturation psychomotrice et
psychologique des jeunes enfants. Au niveau moteur, l'enfant est en
général capable de ramper dès six mois, de se hisser sur les genoux de
ses parents ou sur un meuble bas (45 cm) dès un an, et de marcher dès
treize mois. A quinze mois, il bénéficie de l'autonomie suffisante pour
tirer un petit meuble ou un objet afin de l'escalader pour atteindre le
rebord d'une fenêtre. Mais, à ces âges, il n'a pas pour autant ni la
coordination ni la force suffisantes pour compenser un déséquilibre
momentané et le poids de sa tête l'entraîne souvent dans la chute. Plus
tard, entre deux et quatre ans, l'enfant peut grimper sans difficulté
et sans peur sur une échelle jusqu'à une hauteur de 1,50 m. A quatre
ans révolus, il est capable de franchir sans marchepied une barrière
d'un mètre en se hissant par la force des bras et des jambes, avec ou
sans élan, comme le précisent les conclusions du rapport d'essai
réalisé pour le compte de l'AFNOR par le LNE dans le cadre des essais
préalables à la définition dimensionnelle des barrières de piscine(11)
:
" Les enfants de moins de cinq ans peuvent franchir des barrières d'une
hauteur supérieure à un mètre ". L'âge apparaît comme un facteur
influant la performance mais pas la taille. La stratégie la plus
courante est de mettre le pied sur la traverse supérieure de la
barrière, à se soulever par la force des bras pour se redresser et
avancer le tronc au dessus de la barrière puis à faire pivoter le
fessier tout en se redressant ou en se " couchant " sur la traverse
supérieure pour pouvoir passer de l'autre côté. La conception de la
barrière et la façon dont sont chaussés les enfants influe sur les
performances. "
A six ans, l'enfant a, rapportées à sa taille, toutes les capacités motrices d'un adulte (12).
Au niveau psychologique, le jeune enfant est naturellement enclin à
explorer son environnement et à s'y confronter. Incapable d'évaluer les
situations avant d'agir, l'attirance pour un objet hors de sa portée,
le besoin d'imiter un héros "volant" ou l'inquiétude face à l'absence
d'un proche peuvent le conduire à se mettre en danger en développant
des stratégies pour franchir un garde corps ou une allège de
fenêtre(13) . Jusqu'à six ans, les mises en garde parentales ont
d'autant moins de portée que le moment de l'acquisition d'un
savoir-faire par l'enfant est imprévisible. En outre, s'il est capable
de comprendre un interdit et de s'en faire le porteur auprès d'enfants
plus jeunes, à ces âges, l'enfant rattache la mise en garde à l'objet
précis de la démonstration (la fenêtre de sa chambre), mais ne pourra
conceptualiser l'idée d'un danger rattaché à une classe d'objets (les
fenêtres). Dans le cas des défenestrations, cette prise de conscience
est d'autant plus difficile que la fenêtre n'est présentée comme
dangereuse que pour lui mais reste accessible aux adultes.
...
|
|